NOTES
Hugo rend compte ainsi, par les pratiques communes du théâtre, de ce dont s'étonne, à juste titre Chateaubriand et qui le laisse rêveur: « On sait qu'il joûtait
d'esprit avec Ben Johnson au club de la Sirène,
fondé par sir Walter Raleigh. Le reste de sa
carrière théâtrale est ignoré; ses pas ne sont
plus marqués dans cette carrière que par des
chefs-d'oeuvre qui tombaient deux ou trois fois
l'an de son génie, bis pomis utilis arbos, et dont
il ne prenait aucun souci. Il n'attachait pas
même son nom à ces chefs-d'oeuvre, tandis qu'il
laissait écrire ce grand nom au catalogue de comédiens oubliés, entre-parleurs (comme on disait alors) dans des pièces encore plus oubliées.
Il ne s'est donné la peine ni de recueillir ni d'imprimer ses drames: la postérité, qui ne lui
vint jamais en mémoire, les exhuma des vieux
répertoires, comme on déterre les débris d'une statue
de Phidias parmi les obscures images des
athlètes d'Olympie.
Dante se joint sans façon au groupe des grands poètes: Vidi quattro grand ombre a moi venire; le Tasse parle de son immortalité; ainsi des autres. Shakespeare ne dit rien de sa personne, de sa famille, de sa femme, de son fils (mort à l'âge de douze ans ), de ses deux filles, de son pays, de ses ouvrages, de sa gloire; soit qu'il n'eût pas la conscience de son génie, soit qu'il en eût le dédain, il paraît n'avoir pas cru au souvenir: "Ah! ciel, s'écrie Hamlet, mort depuis deux mois et pas encore oublié! On peut espérer alors que la mémoire d'un grand homme lui survivra six mois; mais, par Notre-Dame, il faudra pour cela qu'il ait bâti des églises; autrement, qu'il se résigne à ce qu'on ne pense plus à lui."» (ouvrage cité, p. 314)